Laboralys n°36 | Tradition renouvelée de la dinanderie avec Marcel Nulens
Marcel Nulens est fils d'orfèvre. C'est la source de sa passion pour la Dinanderie. Diplômé en 1953 de la prestigieuse Ecole d'Art de Maredsous, il a été formé notamment par les frères Roulin. C'est depuis une cinquantaine d'années que l'artisan pratique cette technique fascinante de la tôle battue et ciselée.
Avant de rentrer dans l'atelier de Marcel Nulens, j'avoue que je n'avais qu'une vision très parcellaire de la Dinanderie. Je n'en connaissais pas véritablement l'origine, même si la ressemblance avec la ville du même nom sonnait comme une évidence. Rentrons dans les détails techniques.
Aux origines:
Pour paraphraser Marcel Nulens, la Dinanderie est le métier d'art qui permet de réaliser des oeuvres en métal battu ou coulé. Il s'est développé considérablement au Moyen-Age dans la région Mosane et spécialement à Dinant, d'où il tire son appellation [Ref.1]. Le mot Dinanderie est apparu au XIVième Siècle et désigne l'ensemble des ustensiles de cuivre et de laiton fabriqués à l'origine dans la ville de Dinant. Le métier de dinandier est la forme noble du métier de chaudronnier [Ref.2].On désigne sous le vocable de chaudronnerie à la fois l'unité de production, la profession et le produit, voire même une technologie qui groupe tous travaux relatifs à la mise en forme des métaux laminés en vue de réaliser des récipients, canalisations et conduits de toutes sortes [Ref.3].
Lorsqu'aux XII et XIIIième Siècles le battage (déformation du métal par martellage à la force du bras) prend de plus en plus d'importance au point de donner naissance à une nouvelle profession, celle des batteurs qui façonnent des pièces de vaisselle et des articles de décoration en cuivre, on voit ceux-ci adopter pour emblème un chaudron et deux marteaux en croix. C'est de cet emblême qu'est née la chaudronnerie. Vers la même époque, à Dinant, les dinandiers fabriquent des objets en laiton fondu. Leur industrie se lie en fait à celle des batteurs et de la vallée de la Meuse, elle descendra dans celle du Rhin, puis en France. Toutes ces professions s'interpénètrent rapidemment de sorte qu'en 1327 est édicté un premier statut des chaudronniers-dinandiers, confirmant définitivement l'utilité sociale du métier [Ref.3].
Dinanderie contemporaine:
La Dinanderie contemporaine s'écarte de la confection d'ustensiles utilitaires pour rejoindre toute entière la création artistique. Rappelons-nous du reportage concernant Alice Pirson et le pont qu'elle place entre Dinanderie et bijouterie.
Marcel Nulens quant à lui, établit un lien entre les techniques traditionnelles de Dinanderie et la création sculpturale. La dinanderie est d'ailleurs souvent associée au monde du sacré. Et l'on compte parmis les oeuvres de Marcel Nulens, l'Autel de la Collégiale de Fosses-La-Ville et le Tabernacle de l'Eglise de Sart-Saint-Laurent, pour ne citer que ces deux exemples. Mais le travail de l'artisan-artiste est également tourné vers des sculptures monumentales pour certaines, plus intimistes pour d'autres. Et dans les deux cas, l'on est dans l'abstraction, la recherche d'une vérité et la transmission d'un message. C'est utiliser des techniques ancestrales et les exploiter dans une quête de beauté des formes et d'expressivité artistique. L'utilité sociale du métier reste mais sous une forme nouvelle. Il faut découvrir l'oeuvre "L'Homobile" pour laquelle Marcel Nulens reçut un prix en 1994 à l'occasion d'une exposition au Touquet, ou encore le haut-relief évoquant le Printemps de Prague, pour comprendre la portée de ce renouveau.
Le vocabulaire et les gestes:
Les photographies et le film de ce reportage mettent en images les mots qui vont suivre. Marcel Nulens travaille principalement les métaux dits non-ferreux, à savoir le cuivre, le laiton, le cuivre jaune ou encore l'argent. La technique qu'il utilise est celle de la tôle battue et ciselée. A la force du bras, il met le métal en relief sur des coussins de sable ou des formes en acier.
Les outils que l'artisan utilise s'appellent ciselets, marteaux à boule, maillets, coussins de cuir et diverses formes en aciers. Le battage du métal englobe trois étapes:
1. Le défonçage de la tôle au marteau à boule sur coussin;
2. La rétreinte ou refoulage sur formes en acier en plusieurs passes alternées de recuisson au chalumeau;
3. Le planage au marteau planeur afin d'unifier le métal et le rendre plus résistent.
Laissez les images parler d'elles-mêmes en ouvrant le portfolio ci-dessous.
Le film, Impressions d'Ateliers
Références:
[Ref.1] Plaquette de présentation, Marcel Nulens, Communication privée, 2014.
[Ref.2] Wikipédia.
[Ref.3] "Le Livre de l'Outil" - Tome 2, André Velter & M.-José Lamothe, Editions Hier et Demain, Pairs, 1976.
Ce reportage a été rendu possible grâce au soutien de la Province de Namur, à l'occasion de l'Exposition "Impressions d'Ateliers -
La création contemporaine à travers l'or des dinandiers". Laboralys fournit le matériau de promotion média sous la forme de vidéos.
Dates : du 4 octobre au 2 novembre 2014
Lieu : Maison du Patrimoine Médiéval Mosan, Bouvignes.
Reportage publié le 11 novembre 2014.