Laboralys n°32 | Entre terre et cosmos, l'atelier de l'artiste Jean Dalemans



Jean Dalemans et le pic cosmique

L'origine de la vie et le sens de notre existence sur terre, entre terre et cosmos. Le tout emballé à l'aide trois fils rouges. Comme sur cette photo portrait où l'artiste apparaît sous trois cordons de cette même couleur, un effet du hasard. Une pincée de Serendip si l'on pense à la Biennale d'art contemporain du même nom, Le Fil Rouge 3, dont Jean Dalemans géra la conception artistique.

Jean Dalemans parle de son art comme il parle de sa vie - à coup d'anecdotes et de rencontres. Mais les deux peuvent-ils être séparés ? Il ne faut que quelques instants pour apprécier et se laisser bercer par ses récits. Son processus de création est pur, méticuleusement réfléchi, clair comme une eau de roche qu'il façonne sous la forme d'un leid motiv : quelle est la place de l'Homme dans le cosmos ?

D'éclats de roches et de pinceaux, son art vit dans toutes les dimensions. La peinture s'extirpe d'une planéité oppressante grâce à la sculpture, pour dépasser ses frontières et se rapprocher de l'espace infini. Comme cette terre plate qui devint sphère par l'abstraction, d'abord, avant de rejoindre le monde réel des Hommes, au péril de leur vie et de leurs croyances. Prendre des risques pour exister, pour explorer, pour dépasser les frontières. Se mettre en péril pour donner un sens à son chemin. Inventer des outils de mesure et d'observation pour comprendre le monde qui nous entoure. N'est-ce pas la nécessité humaine d'exister ? L'art ne permet-il pas d'embrasser cette mission à corps perdu, de s'y perdre pour mieux se retrouver ?

De la terre au cosmos, en passant par l'étage humain. Mettons-nous dans les entrailles de la terre. Tendons l'oreille comme si nous écoutions la vie à l'étage du haut. Nous entendons le brouhaha des humains qui s'animent, s'aiment et se haïssent. La vie qui s'écoule comme un torrent violent, rempli de mots et de paroles, de cris, de chants, de voix mêlées et entrelacées, d'agonies, de rires et de jouissances. Une diversité de sons de quelques milliards de vies au-dessus d'un bloc magmatique, morceau de roche insignifiant au milieu du cosmos. Les sculptures de Jean animent le lien étroit entre matériau brut et formes architecturées, symbolisant l'ancrage de l'humain sur son substrat terrestre.

Comme pour se rapprocher de l'harmonie des sphères de Platon, les oeuvres de Jean Dalemans comportent avec récurrence une référence prégnante aux planètes et lointaines étoiles qui constituent notre plafond, notre frontière infinie, inaccessible, troisième panneau du triptyque de son art. A l'origine même du matériau qu'il transforme, c'est toute l'énergie du cosmos qui a contribué à enfanter le matériau brut qu'il sculpte. Les sculptures de Jean Dalemans sont acérées, aigues, tendues vers le ciel, en parfaite harmonie avec les peintures qui circonscrivent leur horizon. Puisant dans ses racines et ses rencontres multiples, il civilise le matériau primitif, créant un lien vertical entre le bas et le haut, entre la gravité et l'apesanteur. Comme un lien entre l'homme et l'immortalité. Comme une arche de Noé contre l'oubli.

Mixant et transformant librement deux oeuvres musicales contemporaines, l'une du compositeur Canadien Robert Normandeau et l'autre, du compositeur Iranien Ata Ebtekar, j'ai tenté d'exprimer en musique et en images mon ressenti du travail de Jean.




Découvrez également quelques clichés de cette rencontre, manipulant librement l'installation des oeuvres de Jean dans l'espace.




Je tiens à remercier chaleureusement Jean pour la passionnante conversation que nous avons eue dans son atelier. Et j'invite tous les lecteurs de cette page à s'intéresser rapidement à cet artiste éclairé.


Reportage publié le 21 avril 2014.